La diplomatie du pape au service de l’eau

Le Saint-Siège a publié Acqua fons vitae, un long document dédié à la question de l’eau, « symbole de la vie des pauvres ». Le texte rappelle l’intérêt du pape François pour l’environnement, cause pour laquelle il milite dans le monde à travers ses canaux diplomatiques.
Antonino Galofaro @ToniGalofaro
« Un café ? » À côté de la petite machine à espresso, une bouteille en verre transparente. « De l’eau plutôt, merci. » La température à Rome fin juillet dépasse les 35 degrés. Le prêtre empoigne le récipient et remplit un gobelet. À première vue, le Vatican respecte ses propres préconisations : dans toutes les paroisses, monastères, écoles, réfectoires, oratoires ou centres de soin catholiques, l’Église « devrait abandonner l’utilisation de bouteilles en plastique ». Bruno-Marie Duffé, tendant le verre rempli, le sait bien. Le secrétaire du Dicastère pour le Service du développement humain intégral, sorte de ministère du Vatican, a signé Acqua fons vitae en février dernier. Le texte propose une réflexion et des propositions sur la question de l’eau.
La vision « intégrale » du pape
François porte une attention particulière à l’écologie dite « intégrale », selon un terme qu’il aime à employer et qui désigne non seulement l’environnement, mais aussi l’être humain et l’incidence de l’un sur l’autre. Il a recours à cette notion depuis la publication en 2015 de l’encyclique Laudato Si’ sur « la sauvegarde de la maison commune », une lettre pontificale envoyée à tous les évêques où il dédie un chapitre à l’eau. Celle-ci est pour lui de « première importance », l’eau « potable et pure » étant « indispensable pour la vie humaine comme pour soutenir les écosystèmes terrestres et aquatiques ». Le Vatican milite ainsi pour le « droit de l’accès à l’eau pour boire, cultiver et assainir, précise Monseigneur Duffé. Cela implique que cette ressource reste gratuite et accessible à tous. »
En offrant son encyclique à tous les dirigeants politiques qu’il reçoit, François veut encourager ses interlocuteurs à engager une réflexion sur cette question, espérant qu’elle se transforme en actions sur le terrain. Le Saint-Siège demande donc concrètement à ses paroisses et autres lieux religieux autour du monde de « garantir l’accès à l’eau potable et aux sanitaires avec des systèmes écologiques », « d’offrir des conseils sur l’économie de l’eau et sur l’alimentation saine et responsable » ou encore « de créer des points d’accès à l’eau publique, en particulier dans les régions dans le besoin ».
À Rome, l’eau coule à flot
Il s’agit pour le Saint-Siège de montrer l’exemple et de sensibiliser, de « faire comprendre la valeur de l’eau comme élément constitutif de la Création qui nous a été confié et qui engage à penser son administration comme un lieu de la responsabilité humaine, économique et politique », explique le secrétaire du dicastère. Ce message est porté au sein des Nations Unies, de son organisation pour l’alimentation et l’agriculture (la FAO), des divers forums mondiaux sur l’eau. Mgr Duffé, comme le préfet du dicastère – le cardinal Peter Turkson – et tous les nonces apostoliques, autrement dit les ambassadeurs du pape, s’activent également auprès des gouvernements. L’Église, autorité morale, ne peut en réalité qu’offrir des conseils autour de l’élément de l’eau. Qui peuvent être suivis ou non. Rome, paradoxalement, ne semble pas entendre les paroles de son évêque. Dans les rues de la Ville Éternelle, « l’eau coule à flot, c’est absolument scandaleux », s’emporte ainsi Mgr Duffé. Il fait allusion aux nasoni, les « gros nez » : de petites fontaines publiques distribuant gratuitement de l’eau potable. Quelque 2 500 points d’accès à l’eau sont disséminés dans toute la capitale ; certains laissent même couler l’eau de manière ininterrompue. Ces fontaines avaient été éteintes il y a trois ans, lorsque Rome avait souffert d’une rude période de sécheresse. Le pape François, pour montrer l’exemple et dans l’espoir « d’interroger les consciences », avait alors décidé d’éteindre les monumentales fontaines de la place Saint-Pierre. Là, contrairement au reste du monde, ses convictions peuvent réellement prendre corps.