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Police de l’eau, ces équipes qui veillent sur l’or bleu

Police de l’eau, ces équipes qui veillent sur l’or bleu

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Avec l’été, l’envie monte de prendre de longues douches fraîches, de s’amuser avec les enfants sous le système d’arrosage, de remplir sa piscine gonflable flambant neuve… Mais en période de sécheresse, gare à la police de l’eau, qui s’assure de sa bonne gestion !

Par Benoît Collet @BenoitCollet1
Illustration © Simpacid @simpacid

Dans les montagnes du Jura comme partout en France, des inspecteurs de l’environnement patrouillent toute l’année pour monitorer l’état des nappes phréatiques, des rivières et des lacs. Cette police de l’eau fait partie de l’Office français de la biodiversité (OFB). Loin des faits d’arme de l’antigang ou du RAID, elle mène des enquêtes judiciaires au long cours sur les pollutions industrielles, agricoles, ou les pompages illégaux. L’été venu, quand arrivent les périodes d’aridité, de plus en plus récurrentes, longues et précoces du fait du changement climatique, ces flics bleus font la chasse au gaspillage en s’assurant du bon respect des alertes sécheresse, décrétées par la préfecture et qui interdisent l’arrosage des jardins en journée, le nettoyage de sa voiture ou l’irrigation des champs.

« On connaît les usagers. Si on constate un faible débit dans un cours d’eau, nous savons vite d’où ça vient. » 

« On fait des enquêtes de voisinage, des auditions de témoins, on planque… Le cas typique, c’est le particulier qui pompe l’eau du ruisseau qui passe derrière chez lui pour arroser son potager, explique un enquêteur jurassien de l’OFB. Nous avons une implantation sur le terrain qui fait qu’on connaît les usagers. Si on constate un faible débit dans un cours d’eau, nous savons vite d’où ça vient. » Tout l’été, une quinzaine de policiers de l’eau du Jura patrouillent dans les zones du département les plus tendues en approvisionnement en eau, là où le niveau des rivières et des nappes est au plus bas, pour veiller au bon respect des restrictions. Informés des décrets préfectoraux par voie de presse et par affichage en mairie, les particuliers qui enfreindraient la règle s’exposent à une amende de 1500 €, 3000 € pour les récalcitrants. Parfois, certains particuliers jouent aux mouchards et dénoncent leurs voisins trop prompts à sortir l’arrosoir… 

Camions-citernes, contrôles resserrés 

Heureusement pour les fraudeurs, les infractions en la matière sont plutôt difficiles à constater pour les agents de l’OFB, les gendarmes ou les maires, qui parfois coiffent la casquette de la police de l’eau le temps d’un été . Les usages à l’intérieur des habitations restent à l’abri du regard des forces de l’ordre, qui ne peuvent pas non plus pénétrer dans les jardins et ni les surfaces privées attenantes aux maisons, sauf sur autorisation du juge d’application des peines – plutôt rarement sollicité quand il s’agit de sanctionner M. Martin qui a versé 20 litres d’eau sur ses tomates. « On verbalise assez peu, nous sommes plutôt là pour sensibiliser. Quand ils nous voient en uniforme, les particuliers nous disent ‘Oui, oui, on a compris’, mais tant que l’eau coule dans le robinet, ils sont moyennement sensibilisés », poursuit l’officier de police judiciaire, qui reconnaît cependant que les Jurassiens se rendent de plus en plus compte des impacts du changement climatique, « qu’il pleut de moins en moins et que les arrêtés sécheresse sont de plus en plus longs ».

Quand l’alerte rouge est lancée, la police de l’environnement se réunit chaque semaine ou presque avec les préfectures et les services de l’État pour déterminer les zones les plus tendues, là où l’approvisionnement domestique est menacé, afin de déterminer les zones prioritaires où patrouiller. « L’Agence régionale de santé, qui gère les captages d’eau potable, nous dit là où c’est critique, là où des camions-citernes prennent le relais des nappes phréatiques en période de sécheresse. On resserre alors les contrôles sur ces zones », détaille encore la maréchaussée. Et à chaque point chaud ses spécificités. Ici, un site industriel pompe beaucoup dans les eaux souterraines, là, de vastes surfaces agricoles consomment énormément pour l’irrigation. Bon nombre de paysans disposent cependant de dérogations pour alimenter en eau les cultures pendant les arrêtés sécheresse (utilisation d’eau de pluie, de retenues d’eau, etc.). « Cela peut créer un manque de lisibilité de la législation pour les particuliers. Vous n’avez plus le droit d’ouvrir les robinets dans votre jardin et vous voyez des arroseurs automatiques tourner dans les champs de maïs à côté de chez vous… », constate le policier jurassien. D’où la nécessaire démarche de pédagogie.

Flics en reconversion 

Évidemment, le travail de cette police de l’environnement ne se borne pas à la période estivale. L’eau faisant partie des quatre priorités du procureur du Jura, l’OFB est sur le pont toute l’année pour enquêter sur tous les cas de pompages illégaux, de pollution de l’eau ou sur de l’urbanisation illégale en zone humide. Une bonne partie du boulot consiste ainsi à contrôler les variations du débit des cours d’eau, avec des courantomètres électromagnétiques. La police de l’eau, souvent des biologistes ou des géologues qui ont passé le concours de l’OFB, ou quelques agents de police en reconversion dans l’environnement, doivent donc avoir un bon bagage technique, d’autant plus qu’ils doivent aussi évaluer l’impact des différents délits sur la faune et la flore. « Nos compétences scientifiques sont très appréciées car il n’existe pas encore de tribunal spécialisé sur les délits environnementaux », pointe l’OFB. Une thématique dans l’air du temps, à l’heure des débats récents autour de la reconnaissance des crimes d’écocide.

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