Téo Lavabo : « Je me sens libre dans le respect de tout le monde »

Il pourrait être un personnage de cartoon. FLUSH a rencontré Téo Lavabo, photographe et vidéaste un poil déjanté qui, après un coup de promo en chanson, a fait exploser sa carrière.
Propos recueillis par Aude Lalo / Photographie : Joris Bazin & Jean Ranobrac @joris_bazin @ranobrac Styliste floral : Anthony Denis @anthonydenisflorist
Téo, je sais de source sûre que Lavabo n’est pas ton vrai patronyme. D’où ça vient ?
J’avais eu plusieurs noms, mais qu’on ne retenait pas. Avec mon vrai nom, de photographe, ça ne matchait pas trop. Et puis je n’avais peut-être pas envie de mélanger la photo avec la chanson. En sachant que je voulais avoir un truc drôle, même si je fais des photos qui sont drôles aussi. Et Téo Lavabo, d’une : ça rime, ça rentre dans la tête. Et ça fait référence à Qu’il est beau le lavabo de Vincent Lagaf’. C’était une chanson que me chantait mon grand-père quand j’étais petit. J’avais hésité entre Téo Lavabo et Téo Lumbago, et en fait, je savais déjà que j’allais faire ma première chanson en sirène… Enfin plein de trucs chez moi au final font écho à Téo Lavabo, oui.
On lit sur ton site : « C’est au contact de l’eau que Téo Lavabo imagine et écrit ses textes avec son stylo water- proof. Dans sa salle de bain aménagée, c’est la serviette autour de la taille qu’il enregistre tous ses morceaux. » Est-ce que c’est vrai ?
Non, ça c’est une connerie (rires). C’était il y a un an ou deux, et je ne l’ai jamais changé. Mais j’aime bien ! Je dis que mes parents sont musiciens : que ma mère fait de la flûte et mon père du triangle, ou l’inverse. Mais bon, je pense que ce n’est pas ça qui donne l’oreille musicale à l’enfant, hein, on comprendra bien.
Tu as la parole et le rapport au corps ultra décomplexés : ça tient à quoi ? C’est de la provoc ?
Ce n’est pas mon objectif. C’est peut- être de la provoc pour certains, mais comme montrer des chevilles, ou dire un gros mot, c’est de la provocation pour d’autres. Pour moi, c’est titiller, c’est borderline, c’est du double sens. À part une phrase, mes textes ne sont pas trash du tout, en fait. C’est nous-mêmes qui les rendons trash. Quand je dis : « Je suis ton chien saucisse à quatre pattes, je suis ton teckel aux couleurs de l’arc-en-ciel », il n’y a rien de trash.
« Mes textes ne sont pas trash du tout, en fait. C’est nous-mêmes qui les rendons trash. »
Les gens s’imaginent ce qu’ils veulent : le problème en fait, c’est l’idée des gens. J’en joue, je pense tout en double sens quand j’écris, mais ce n’est pas une provocation pour provoquer. Pour moi, c’est juste de la liberté. Regardez, franchement, je ne représente personne, donc laissez-moi. Si toi, demain, tu as envie de chanter que tu es une crotte au bord de la route et que tu vas te faire écraser par un tracteur : vas-y, fonce, quoi, tu t’en fous de ce qu’on dira ! Après, ce qui va déranger le plus, c’est peut-être le côté gay. Dans les minorités dans lesquelles on est, ou dans les catégories sociales, on se traîne quand même les étiquettes de notre milieu. Comme pour les femmes : c’est la même chose. Une femme qui met des trucs courts mais qui… enfin bon, on ne va pas rentrer dans ce débat. Voilà pour la provocation.
Tu sais que des enfants chantent à tue-tête « chichi-popo-latata » ! Qu’est-ce que tu peux dire aux parents démunis ?
Les enfants, ils entendent le sens « bienveillant ». C’est vous, en tant que parents, avec votre expérience sexuelle, votre expérience de vie, qui allez assimiler ma chanson, qui est volontairement à double sens… Mais pour les enfants, il n’y a aucun mot, je veux dire… Ils vont juste rire.
Tu fais du yodle dans des tenues improbables. Comment est-ce que tu qualifierais ton univers, ta musique ?
Le mot qui me correspond le mieux, c’est éclectique. J’aime bien mélanger tout ce qui ne va pas ensemble. Et en faire quelque chose d’artistiquement intéressant. Je ne sais pas, je suis au graphisme, je ne suis pas vraiment au sens. Musicalement, c’est pareil. Le yodle, c’est hyper ringard. L’accordéon aussi. C’est des trucs qui sont ploucs de l’avis collectif général, je pense, en tout cas dans la jeunesse. Je me suis dit justement : si j’arrive à faire un truc un peu peps avec tout ça, ça peut être cool. Enfin, je m’amuse à prendre des trucs qu’on n’a pas l’habitude d’entendre ou de voir, et à me dire : « Tiens, on va faire un petit truc différent et on va associer ça avec ça. » J’adore.
Est-ce que tu continues à la fois la photo, la vidéo et la chanson ?
Mon rêve de gosse, c’était d’être photographe et de réaliser des clips. Ça fait maintenant sept ou huit ans que je fais ça. Sauf que du coup, je pense que dans tous les métiers, même « passion », tu as envie de nouveaux challenges. On va dire que j’ai créé le personnage de Téo Lavabo pour renouveler un petit peu les clients, ouvrir les esprits et faire une vidéo publicitaire en disant : « Regardez ce qu’on fait ». Bon après, j’ai été sélectionné à l’émission [La France a un incroyable talent, ndlr], et ça a explosé. Ça a vraiment créé, on va dire, un artiste. Mais à la base, c’était à titre promotionnel, oui.
L’esthétique de tes photos, de tes clips, est ultra léchée : on a envie d’en voir plus. Est-ce que tu as des projets de courts ou longs-métrages ?
Pas spécialement, tout simplement parce que c’est trop lourd… Mes clips, par exemple, peuvent se réaliser en un ou deux jours. Alors qu’un long-métrage, c’est une organisation énorme, c’est un scénario. Moi je suis quelqu’un qui travaille énormément en improvisation. Donc pour toutes mes photos d’art, il y a une démarche, une étincelle artistique, mais après je me laisse toujours un champ de liberté très large. Dans les longs-métrages, on ne peut pas vraiment se permettre ça. En tout cas, de ce que j’en connais. Non, je peux te promettre d’autres réa- lisations musicales, vidéo, photo, on va dire éclectiques, colorées. Mais de longs-métrages, en tant que réalisateur en tout cas, pas spécialement. Après, en tant que personnage… Acteur, c’est un grand mot, parce que je ne peux pas me considérer acteur, mais en ayant un rôle dedans, oui, pourquoi pas.
C’est quoi ton actualité (dé)culottée ?
C’est que je n’ai plus le temps de rencontrer grand-monde, donc elle n’est pas très fun ! Si, je peux vous dire que… Je pense que je ne l’ai jamais dit en plus : pendant le premier confinement, j’ai fait une œuvre. J’ai moulé mon pénis. C’est l’image de l’abstinence, enfin je trouvais ça fort de se retrouver avec mon pénis en action… Tu te dis, c’est censé être la représentation de l’homme, la force, tout ça. Et en fait, ça n’a servi à rien pendant un mois ! Enfin, à tous les hommes célibataires de France, ça n’a servi à rien. En même temps, il y a la puissance, mais c’est enfermé dans du plâtre… Je ne sais pas, plein d’images me sont venues et du coup j’ai le cycle du pénis de Téo Lavabo en plâtre (rires).
Qu’est-ce que tu en as fait ?
C’est dans un carton !
Tu rigoles ? On l’achète !
Je l’avais proposé pour un salon sur le confinement, ils demandaient des œuvres d’art, je ne sais plus dans quel pays : je le leur avais envoyé mais ça ne les a pas intéressés. Alors que je m’étais dit que c’est trop dôle. Enfin, il y a une démarche. En plus, ça m’a arraché des poils, du coup… J’ai payé de ma personne ! Et puis je l’ai faite le dernier jour du confinement – le premier – qui je pense, laisse des séquelles inconscientes…
Tu fais du business : tu as une boutique avec tes t-shirts, un pull vert avec des lavabos !
Ça a commencé chez moi. Je suis allé en festival il y a deux ans, j’ai découvert la sérigraphie et ça m’a fasciné ! Du coup j’ai acheté tout le matériel, et je me suis dit : « Il faut que je rentabilise ça. » J’avais envie de faire ma marque aussi, donc j’avais ce côté un peu business : on va créer une petite entreprise. En même temps, on va faire des trucs what the fuck, et si ça ne se vend pas, je m’en fous : je les porterai, moi. J’en ai vendu quelques-uns et effectivement, après, ça a été un autre niveau. Du coup, maintenant je les fais faire. Mais concrètement, le pull lavabos, c’est encore un que je fais moi, et je ne l’ai pas fait commercialiser. Je pourrais, peut-être… C’est une pièce unique.
On le prend, dans le carton avec le moulage !
Mais tu sais en plus, cette bite, je m’étais dit que ça serait marrant de la mettre en déco. J’ai trop envie parce que je trouve ça génial, et de l’autre côté, je me dis : « Mais non ». Quand je suis dans le milieu de l’art, je m’en fous. Mais si je reçois ma famille, je n’ai pas envie. Je suis dans un milieu où je touche tout le monde – j’en suis hyper heureux parce que c’est le plus difficile – mais j’ai envie d’être un peu piquant parce que c’est le style qui me plaît et que j’aime plutôt m’adresser aux adultes. A contrario, les enfants s’y retrouvent aussi, je pense parce que je suis un personnage très coloré et qu’ils me trouvent simplement rigolo. Je n’ai envie de froisser personne et en même temps j’ai envie d’être moi. Attention, ce n’est pas que je me mets des barrières, c’est que je me sens libre comme ça, quand je suis dans le respect de tout le monde. C’est vraiment le mot d’ordre : respect et liberté.