Bgin Clean, la French touch du ménage

Après avoir travaillé pour un orchestre baroque, Bruno Ginesty s’est reconverti en influenceur ménage. Sur son compte Instagram @Bginclean, le trentenaire à l’accent toulousain chante les louanges de l’acide citrique et nous montre comment désodoriser ses rideaux avec de la vodka.
Propos recueillis par Émilie Pommereau / Photo © William Beaucardet
Comment es-tu passé de la musique classique aux tutos de nettoyage ?
Avec la Covid, tous mes projets professionnels sont tombés à l’eau. En attendant de savoir quoi faire, j’ai passé du temps dans la maison de mon enfance à Toulouse. Comme beaucoup de gens pendant le premier confinement, j’ai fait du rangement et je suis tombé sur un vieux tapis que mon père m’avait offert. Je l’ai sorti, je l’ai nettoyé et remis dans ma chambre. Mon père n’étant plus de ce monde, c’était une façon de lui rendre hommage. Après, pour m’amuser, j’ai ouvert un compte Instagram sur lequel j’ai partagé mes recettes de nettoyage et les abonnés ont commencé à grimper…
Quel a été le déclic pour te dire : « Tiens, je pourrais me reconvertir en influen- ceur ménage, un métier d’avenir » ? C’est très récent, tout ça ! J’ai lancé mon compte en août 2020 et en huit mois, j’ai dépassé les 25 000 abonnés. J’en suis très heureux, mais je ne sais pas encore où cela me mènera. Quand des marques me contactent en me disant « Bonjour Bruno, on aimerait beaucoup que tu testes nos produits et que tu en parles à ta communauté » pour 500 € ou pour 800 €, ça me met extrêmement mal à l’aise. J’estime qu’il n’y a pas de raison que je fasse la promo de marques qui s’en mettent plein les poches avec des marges énormes, sous prétexte que ce sont des produits bons pour l’environnement. J’ai déposé la marque « Bgin Clean » et je planche plutôt sur le développement de ma propre gamme de produits, que je vendrai sur mon e-shop. Un peu comme Nabila qui a créé sa marque de cosmétiques. J’avoue, je suis un grand fan, j’admire comme elle mène sa barque !
Comment expliques-tu l’engouement de tes milliers d’abonnés ?
J’ai ouvert mon compte Instagram à une période où les gens ont réalisé l’importance d’être bien chez soi. C’est un peu le chaos en ce moment ! Il y a moyen de devenir fou, de se sentir oppressé par le monde qui nous entoure. Mais si quand on rentre chez soi, l’évier est propre, qu’il n’y a pas de vaisselle qui traîne, que le lit est fait et la maison aérée, moi franchement, ça me calme et ça m’apaise. Tous les messages que je reçois le confirment. Et puis, il faut le dire : c’est avec une pandémie que les gens ont réalisé qu’il fallait se laver les mains ! Alors peut-être y a-t-il eu une prise de conscience pour nettoyer le reste…
Es-tu né avec un plumeau dans la main, ou t’a-t-on appris à récurer ?
Ma mère raconte toujours que gamin, je me mettais un seau à serpillière sur la tête et je fonçais partout ! C’était mon premier jouet. Mais plus sérieusement, je crois que c’est davantage une question de disposition naturelle : j’ai toujours aimé les choses propres et ordonnées. Ma mère, femme au foyer avec une famille nombreuse, s’occupait de nous et c’était un boulot à temps plein. Mais elle déteste le ménage au plus haut point et n’était pas là à nous montrer comment nettoyer. Quand il y avait vraiment trop de laisser- aller, c’était plutôt mon père qui lançait l’impulsion et qui dirigeait les opérations. Sinon, je crois beaucoup à la transmission des gestes. J’ai donné à mon filleul un petit bol d’eau chaude et du savon de Marseille et je lui ai montré comment enlever les taches. Maintenant, dès qu’il en voit une, il veut le faire !
On devrait davantage initier les enfants ?
Complètement ! Je rêverais de créer une boîte à outils pour parcourir les écoles et faire découvrir le monde du ménage. C’est un univers tellement sensoriel et les enfants y sont très réceptifs. Et sans y intégrer nécessairement les questions de genre : simplement, les initier dès le plus jeune âge. C’est par là qu’il faut commencer, mais comme tout, en fait. Cet apprentissage trouverait d’ailleurs sa place dans les cours d’instruction civique, de citoyenneté, car on est en plein dedans. Et on dit bien que les enfants sont des éponges, le lien est fait tout de suite…
Le confinement l’a révélé, ce sont encore et toujours les femmes qui en font le plus à la maison. Comment motiver les hommes à en faire davantage ?
85 % de mes abonnés sont des femmes et je reçois souvent des messages : « Je n’en peux plus, c’est moi qui fais tout ». C’est une réalité, c’est insupportable et j’aimerais aussi toucher plus de mecs. Mais ce qui m’importe surtout, c’est que les gens comprennent qu’on peut faire du ménage et être méga stylé ! Qu’on soit un homme ou une femme, savoir entretenir sa maison, ça peut être super sexy : on peut être fier d’accueillir des gens dans un environnement propre, sain et ordonné. Je rêve qu’on se dise : « Aujourd’hui, j’ai détaché des nappes de ma grand-mère qui traînaient dans un tiroir depuis 30 ans. Maintenant elles sont nickel et on dîne dessus ». Dans le ménage, il y a aussi ce plaisir de faire revivre des objets hérités ou chinés en brocante, comme cette coupelle en métal argentée achetée sur Leboncoin qui va retrouver tout son éclat grâce au Blanc de Meudon. Finalement, on reste toujours attirés par le beau.
Est-ce qu’on doit te jeter des fleurs parce que tu es un homme qui fait le ménage, quand les femmes le font depuis des siècles et que personne ne les applaudit ?
Non, pas du tout. J’ai travaillé 12 ans dans la musique classique et ma nouvelle mission, c’est le monde du ménage, je vais m’y atteler et je travaille dur pour ça. Des fleurs, parce que je suis un mec qui nettoie ? Je m’en fiche. Mais qu’on se dise qu’il y a peut-être du courage ou de l’audace, oui. J’ai tout lâché, un milieu où j’étais à l’aise, où je gagnais bien ma vie, pour me lancer dans quelque chose qui, malgré tout, souffre d’une image peu valorisante. Qu’est-ce qu’on dit à un enfant ? « Travaille bien à l’école, sinon tu deviendras femme de ménage ». Et ça, je ne suis pas d’accord. Je trouve que c’est tout aussi noble de défendre le projet artistique d’une cheffe d’orchestre talentueuse que de savoir nettoyer ses toilettes.
À la maison, c’est toi qui fais tout ?
Tout ! Après, je suis célibataire, ce n’est pas pareil. Si je n’ai pas envie de faire le ménage, je ne le fais pas. Je ne suis pas maniaque du tout. Je n’ai pas peur de la crasse, que les amis viennent chez moi avec des enfants qui mangent du chocolat et qui en mettent partout… Au contraire, j’adore la crasse, ça me donne une bonne raison de tout nettoyer après !
« Il me tient à cœur de revaloriser le monde de la maison et du ménage et de montrer que toutes, ces tâches sont nobles, parce qu’elles contribuent à notre bien-être mental. »
Penses-tu que le ménage ait besoin de gagner ses lettres de noblesse ?
La personne qui fait le ménage chez nous rentre dans notre intimité, elle est là pour notre bien-être et on n’en parle jamais. Je ne veux pas m’inscrire dans une quelconque lutte sociale, mais il me tient à cœur de revaloriser le monde de la maison et du ménage et de montrer que toutes ces tâches sont nobles, parce qu’elles contribuent à notre bien-être mental. Avec l’épidémie, j’ai aussi lancé une activité de désinfection des lieux de tournage pour la télé et le cinéma et je vois comment les gens traitent les espaces. Je me souviens d’une salle dans laquelle les gens avaient com- mandé plein de Deliveroo, il y en avait partout… Je suis là pour nettoyer, pas pour ramasser les déchets. Combien de fois j’ai entendu : « Ne débarrasse pas, t’inquiète, c’est la femme de ménage qui le fera ». Le ménage, c’est un métier éprouvant, avec très peu de reconnaissance.
Quelle est la tâche ménagère qui te fait le plus vibrer ?
Rendre la vaisselle sale éclatante ! Je me rappelle, quand j’étais ado et qu’on était avec tous les cousins : j’adorais voir le chaos total qui régnait dans la cuisine après que 15 personnes avaient déjeuné. Les peaux de pêches du dessert qui collent partout, les restes de sauce à l’oignon, les bouts de tomates de l’entrée qui se mélangent et ça tombe par terre, le petit qui marche dedans, puis le chien… J’analysais ce qui n’allait pas, c’est-à-dire tout, et essayais de voir comment regrouper toutes les assiettes, tous les couverts. Et me dire : « On va les faire tremper là, on met ce plat dans celui-là, on les fait aussi tremper parce que ça a attaché », de tout structurer et de m’y attaquer tranquillement. Encore aujourd’hui, la vaisselle que je fais le soir, c’est un moment pour me poser et réfléchir. Je ne vais jamais me coucher, même après une grosse soirée, sans l’avoir faite. C’est un tel plaisir le matin de prendre son café dans une cuisine où l’évier brille.
Quel outil ou produit d’entretien emporterais-tu sur une île déserte ?
Je suis un grand fan de la microfibre. On peut tout nettoyer avec, c’est doux et ultra absorbant… Et ça ferait un pagne !