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Pilule contraceptive : les hommes aussi, les hommes enfin ?

Pilule contraceptive : les hommes aussi, les hommes enfin ?

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C’est une arlésienne de la recherche médicale : la pilule masculine. Une nouvelle étude publiée aux États-Unis évoque un traitement efficace et sans effets indésirables. Cette fois-ci serait-elle la bonne ?

Par Delphine Bauer / Youpress @dbyoupress
Illustration © Erica Urzua @erica.urzua

Depuis les années 1970, la communauté scientifique tente de fabriquer une pilule contraceptive masculine. Les essais ont été nombreux, surtout ces dernières années, mais jusqu’à présent peu concluants. En 2018, les espoirs étaient pourtant à leur apogée : l’université de Washington avait mis en place une étude clinique montrant qu’après un mois de prise d’androgènes et de stéroïdes anabolisants [la version synthétique des stéroïdes présents dans la testostérone, ndlr], les participants n’étaient plus fertiles. Une méthode aussi efficace que la contraception féminine, mais il y avait un hic : le taux de testostérone des hommes était descendu tellement bas que des effets indésirables, comme une baisse de libido et une prise de poids – des désagréments vécus par les femmes sous pilule depuis des décennies – ont stoppé net l’enthousiasme des chercheurs et les perspectives de commercialisation. Mais depuis ce printemps, les articles se multiplient pour annoncer une nouvelle avancée, reposant sur une méthode inédite. Alors, la pilule masculine attendue depuis des décennies serait-elle sur le point de voir vraiment le jour ?

Sans hormones, sans effets indésirables

« Au cours de l’histoire, il y a eu plusieurs essais cliniques de méthodes contraceptives masculines hormonales. Bien qu’efficaces, ils conduisaient à des effets indésirables comme la prise de poids, la dépression, etc., confirme Md Abdullah al Noman, doctorant en pharmacologie, spécialisé en médecine chimique à l’université du Minnesota. Chez les hommes, qui ne risquent pas eux-mêmes une grossesse, le seuil de tolérance aux effets secondaires est plutôt bas. C’est la raison pour laquelle nous essayons de développer une pilule contraceptive non hormonale ».

C’est bien là que réside la nouveauté : face à cette problématique, le chercheur américain a eu l’idée de jouer sur un autre mécanisme. Il s’explique : « Les hommes produisent 1 500 spermatozoïdes par battement de cœur. Cette production massive nécessite de la vitamine A à différentes étapes. Nous avons également besoin de vitamine A pour de nombreux autres processus physiologiques essentiels. De ce fait, nous avons spécifiquement bloqué l’effet de la vitamine A sur la fabrication de sperme, sans interférer avec ses autres fonctions. Chez les souris, notre méthode a significativement réduit la quantité de spermatozoïdes et a été capable d’éviter 99 % de grossesses [soit un taux d’efficacité similaire à celui de la pilule contraceptive féminine, ndlr]. Et cela sans aucun effet indésirable observable ».

Mieux répartir la charge contraceptive

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Les hommes et les femmes seraient à égalité dans la prise en charge de la contraception au sein du couple ? C’est précisément ce qui pourrait être déterminant pour l’avenir commercial d’une telle découverte. Un laboratoire américain, YourChoice Therapeutic, a d’ores et déjà prévu de mettre au point un essai clinique, au vu de ces résultats pré-cliniques pertinents, d’ici la fin de 2022. « Si tout va bien et que le médicament fait la preuve de son efficacité comme de son innocuité, nous pourrions voir cette méthode contraceptive sur le marché [américain, ndlr] dans la prochaine décennie, et peut-être même dans les cinq prochaines années », s’enthousiasme Md Abdullah al Noman.

Mais dans les sociétés occidentales, où la contraception repose encore presque entièrement sur les femmes – 20 % des hommes utilisent une contraception (préservatif et vasectomie), contre 60 % pour les femmes, selon un rapport des Nations Unies de 2015 sur les habitudes contraceptives dans le monde – le produit ne risque-t-il pas de se heurter à des préjugés ? Md Abdullah al Noman se veut optimiste : « Une étude de 2000 a montré que la plupart des femmes, quelle que soit leur culture, feront confiance à leur partenaire pour prendre une pilule. Seulement 2 % d’entre elles disent ne pas avoir confiance. » Vingt ans plus tard, cette tendance se confirmera-t-elle ? 

Jusqu’à présent, les méthodes scientifiquement prouvées disponibles pour les hommes, aux États-Unis comme ailleurs, se résument au préservatif, à la vasectomie (méthode définitive) et au retrait. Comme toutes les autres charges – parentale, mentale, domestique – la charge contraceptive sera d’autant mieux supportée si elle est répartie plus égalitairement. « Une méthode contraceptive masculine efficace ne peut pas devenir la seule option pour un couple, mais elle se présente comme une option supplémentaire à la contraception féminine, dans le but d’éviter le maximum de grossesses non désirées », estime le chercheur américain.

Si le laboratoire YourChoice Therapeutic souhaite également pouvoir commercialiser son produit en Europe, il lui faudra demander une nouvelle autorisation de mise sur le marché… en espérant rencontrer son public : encore faut-il que les futurs contraceptés passent de la théorie à la pratique en acceptant de faire entrer la pilule – et son lot de contraintes – dans leur quotidien.

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