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Rythmes circadiens : de la nécessité de remettre les pendules à l’heure

Rythmes circadiens : de la nécessité de remettre les pendules à l’heure

changement d'heure

Entre heure d’été et heure d’hiver, le cœur des Français ne balance pas. Consultés sur le choix d’une heure fixe, ces derniers ont majoritairement privilégié des jours plus longs. Un plébiscite qui n’est pas sans conséquence sur les horloges biologiques et le sommeil.   

Par Sophie Danger
Collage (c) Carol Arnaud Kif-kif

Qu’il semble loin, déjà, le temps béni des vacances et des jours sans fin. Comme tous les ans depuis 1976, il nous faut bientôt retarder nos montres pour basculer en heure d’hiver. Peut-être pour la dernière fois. Interrogés à l’occasion d’une vaste consultation publique lancée en 2018 par le Parlement européen, les Français ont tranché. Plus de 80 % d’entre eux ont émis le souhait d’en finir avec les changements horaires saisonniers et de vivre toute l’année à l’heure d’été. Sans se douter, à terme, des conséquences possibles –principalement sur notre sommeil – d’un choix qui relève moins de la raison que du fantasme. « L’objectif de l’être humain est d’avoir des journées plus longues et de dormir le moins possible, confirme Jacques Taillard, ingénieur de recherche au CNRS, unité sommeil addiction et neuropsychiatrie (SANPSY) à l’université de Bordeaux. En choisissant l’heure d’été, les Français se sont dit : ‘il va faire jour plus longtemps, ce qui nous permettra d’aller plus en terrasse, de rencontrer plus de monde’. Ils ont avant tout choisi une heure sociale. Or, cela va contribuer à retarder notre horloge biologique. » 

Lumière vs sommeil

Comme tous les êtres vivants, l’Humain est en effet doté d’une horlogerie interne ultra perfectionnée. Nichée dans le cerveau, au niveau de l’hypothalamus, cette mécanique complexe agit comme un chef d’orchestre : elle impose son tempo à l’organisme et, ce faisant, régule nos rythmes de veille et de sommeil, notre fréquence cardiaque, notre température interne, nos capacités cognitives, notre mémoire, etc. Une partition parfaitement réglée, appelée rythme circadien, qui, selon les individus, dure entre 23h30 et 24h30. Un léger décalage avec notre environnement, calé, lui, sur 24 heures – la durée de la course du soleil – qui contraint notre horloge interne, quotidiennement, à se remettre à l’heure. Et elle va, pour cela, s’aider notamment de la lumière. « Le matin et le soir sont ce que l’on appelle deux ‘zones gâchettes’, précise Jacques Taillard. S’il y a trop de lumière, le soir par exemple, notre horloge biologique va penser qu’il fait encore jour et nous envoyer des signaux pour nous maintenir éveillés. »

D’où l’importance de bien réfléchir avant de basculer, définitivement, du côté de l’heure d’hiver ou d’été. « Les gens pensent qu’un décalage de deux heures au lieu d’une, ce n’est pas si terrible que ça, regrette Jacques Taillard. Pourtant, la lumière nocturne va avoir un impact considérable sur nos vies en ce sens qu’elle va retarder notre coucher. » Et qui dit retard au coucher sous-entend dette de sommeil avec, à plus ou moins long terme, des effets sur notre santé, notre humeur, notre comportement, etc. Mais qu’en est-il alors d’un pays comme l’Islande, réputé pour ses fameux soleils de minuit ? « De manière générale, les habitants des territoires situés au bord de la calotte polaire du nord seraient plus sujets que nous aux dépressions saisonnières, précise Jacques Taillard. Pour le reste, ils se sont adaptés : ils savent que même s’il fait jour, il faut qu’ils aillent se coucher. Même chose au niveau de l’Équateur. Lorsque la nuit tombe à 17-18h, les gens ne vont pas au lit tout de suite. Ils ont une activité sociale et des rythmes de vie comparables aux nôtres. » 

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Des pouvoirs publics silencieux 

Pour autant, si le critère de la localisation géographique semble n’avoir que peu d’incidence sur le bon fonctionnement de nos horloges biologiques, il n’en va pas de même pour celui de l’âge. Et à ce petit jeu, ce sont les jeunes qui devraient le plus pâtir du surplus de lumière nocturne. « Ça fait vingt ans que l’on sait que les adolescents ne sont pas du matin, rappelle Jacques Taillard. Leur dire d’aller se coucher à 23h ne sert à rien car leur porte du sommeil ne s’est pas encore ouverte. C’est pour cela qu’aux États-Unis, ils vont au lycée une heure plus tard. C’est une décision nationale et, depuis quelques années, on s’aperçoit qu’il y a moins de retards, de dépressions, qu’ils ont de meilleurs résultats scolaires… ». À ce titre, et même si le jour tardif ne peut endosser, à lui seul, l’entière responsabilité de nos dettes de sommeil, privilégier l’heure d’hiver serait donc un moindre mal. Reste désormais à nous adapter. Et à informer. « La solution idéale, c’est l’heure universelle*, mais on n’y arrivera pas, alors restons sur l’heure d’hiver, c’est ce qu’il y aurait de mieux, conclut Jacques Taillard. Le problème, c’est que les pouvoirs publics communiquent sur l’alimentation et l’activité physique depuis des années, mais pas sur le sommeil. Il n’est pas à la mode. Il est pourtant nécessaire d’expliquer aux gens quel est l’intérêt du sommeil, il faut leur faire comprendre que dormir plus de six heures, c’est bien ; sept, c’est génial. Ça permet une vie beaucoup plus agréable et ça vaut pour la santé, les performances cognitives, sportives… ».

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